Prisma



couronnement

C'est ainsi que je vis
C'est ainsi que je veux vivre
M'adresser au ciel et résonner à la terre entière
Laisser ma couronne d'épines flotter légèrement au dessus de mon crâne
Après l'avoir présentée, à mains nues, au Vent de Vie
Permettre au souffle de passer au travers de ses nœuds et la décharger toujours plus.
Refaire le même mouvement toujours neuf
Sentir le passage, ses frissons joyeux
Voir l'image et rire
Le vrai couronnementCelui qui fait de l'univers entier le royaume
Où l'être est l'Alpha et l'Omega
Quand je goûte la paix sans nom
Et le plaisir de vivre
Sans désir, ou peut être celui d'être libre de tout filet, de tout hameçon, s'accommodant de n'importe quelle flaque d'eau tant qu'elle n'empêche pas le retour à l'océan
Pour finir par se fondre avec l'onde et être Une avec elle
Et jouir infiniment de cette joie d'amoureuse
Quand tout est accompli
Vivre une journée comme si c'était une vie
Accepter de finir pour pouvoir recommencer
Se défaire du langage
Car la communication n'a jamais terminé
Elle n'a jamais commencé
Elle était toujours là
Parler devient un effort
Raconter, un défi
Quand on a envie que de fondre, de se fondre, de s'effondrer
Dans l'instant
Présence qui ne veut rien sauf la Présence
Et la Nature pour s'ébattre


Lame de fond silencieuse

Lame de fond silencieuseTu laboures pour faire germer
Tu sculptes pour informer
Silencieuse comme un orage lointain derrière la fenêtre
Qui t'a nommée un jour?
Est-ce moi qui par illumination ai soupçonné ta présence?
Est-ce toi qui m'as communiqué ton essence?
Seras-tu celle qui lui a chuchoté la formule mystique
qui à moi t'a révélée tout au fond?
Ou n'es-tu qu'une réponse à mes silences?
Questions sans paroles pour une école sans leçonPourtant
tu grondes comme un cri qui vient
Tu t'épaissis tu adviens
Bientôt tu coloniseras tout mon être
Tu m'engloutiras par dedans et ma bouche sera la dernière à te résister
Comme je pressens déjà la douleur de l'enfantement
se mêlant de jouissance totale
Quand vais-je accoucher de moi?
Il me semble déjà
que j'accueille tes desseins
J'ai été ointe dans mon sein
Fécondée d'amour et de faiblesse
Sphère amenée à se briser pour mettre bas.
Dans la rumeur j'entends le glaive
Et j'arrive, à nu, pour le brandir
C'en est fini de la trêve
J'attends l'invasion pour me porter un coup fatal
Me laisser embaumer près de mon épée
Pour couper le dernier cordon
Quand je me serai relevée des morts
Ce monde noir et profond
Quand la lumière aura tout vu
Et que tout aura vu la lumière
Alors je serai celle que je suis.


Venus

Statue de sable
Telle Venus je m’érige
Quand la marée se retire
Que viennent les eaux
Qu'elles me délivrent
Et m’enroulent, inlassables
Immobile face à la mer
Estropiée et soumise
Je m’élève pour un souffle
Avant qu'un autre ne m'enterre
Gris sera le ciel
Comme la couleur de ma peau
Quand noyée dans les eaux
Je me changerai en sel


l'Arche

Je pleure dans tes yeux
Et mes cascades turquoises emplissent tes sources d'eau chaude
(Ton reflet agite les circonvolutions de mes iris)Si tes lèvres ourlées
Aspirent mes lettres saintes
C'est tout le Verbe qui s'y engouffre
Mes désirs capitulent
Quand sur toi je suis voutée
Ogive
Captive
A trop bénir ton pouls
C'est moi qui m'essouffle
Et ensemble nous chantons l'arche de l'alliance


Le souffle court

Le souffle court depuis mardi
Ceinturée dans un écrin de feu
Mon âme languit d'une étreinte némique
Le temps arrêté comme sous la vague océanique
Je contemple ces lieux de moi-même
Mon Atlantide
Dehors les sirènes parcourent les flots à la recherche
De créatures
Trop en surface pour m'atteindre
J'entends pourtant leurs cris
En arrière
En dedans
En dessous
Tout est retraite
Pour tirer de la mamelle originelle
Le lait cosmique qui réinformera mon sang
Mon unique
Celui qui porte tout ce que je suis
Dans ses sinusoïdes folles


Saut dans l'esprit

J'ai peurSensations du corps
Mon coeur prompt
Plus confiant que ma raison
Je saute dans l'esprit
Comme on saute dans le vide
Pour devenir vierge moi aussi
Un espace pour le verbe
Si je livre quelque chose ce soir
Ce sera moi même comme un agneau
Auquel on aura attaché autour du cou
Un chapelet de mots
Je laisserai mon âme
Dans son jardin parfait
Cueillir les fruits du vrai du beau du bon
Orner notre table de tous ses mets
Si je tremble pardonnez moi
C'est lui, c'est elle
C'est l'au delà
C'est le rappel de la vie
Du sens de nos pas
Autant de nuits contées pour le jour
Autant de vies confiées à l'amour
Il ne manque rien
Il ne manque rien


Ce n'est pas grave d'oublier tant que je me rappelle

Il y a tellement d'amour dans ce monde
Au fond des coeurs
Au fond de la matière
Une vibration qui fait plisser les yeux
Du plaisir ou plutôt de la plénitude
Tu es le soleil de ma vieAu fond de moi je ne suis qu'amour


le cep

J'étais éparpillée
tu m'as réunie
Je suis redevenue une
Avec toi en toi pour toi
Pour nous
Pour me fragmenter à nouveau
Et faire éclater de nouveaux bourgeons
A quand le prochain recépage?
Le Christ comme une patrie
Nouveau coeur
Nouvel esprit
Tu as émondé ma vigne
Je me suis dressée droite vers le ciel
Mais je n'étais plus qu'une tige
Et déjà je n'abritais plus la coccinelle
Ni la chenille
Et j'ai peiné dans cet hiver aride
A me maintenir dans cette posture
Ne pas mourir
Ne pas mourir
Résister, chercher la lumière
J'avais oublié que le sol est ma maison
Et la terre mon berceau
J'aurais pu me lover tout contre
Aller parler aux escargots
Et pourtant sans aucune verdure
J'ai crié vers le ciel
Comme on crie sous la pluie
Soleil, où es tu ?

Mais c'est dans ce moment là que je me suis sentie unique en toi
Tige frêle mais dressée de désir
De survie
De soif
D'exil
Je n'avais plus ni branche
Ni sarment
Ni bourgeon
Ni fleur
Pour me sentir vaste
Réduite à l'essentiel
Émondée jusqu'à la mort
Mais j'ai résisté au froid
Car profondes sont mes racines
Et tu as fait pour moi toutes choses nouvelles
Et voici que je sens la nouvelle terre
Et que s'ouvrent de nouveaux cieux
Je sens repousser mes branches
Cette fois je ne me fourvoierai pas
Je laisserai pousser mon cep vers la gauche
Vers la droite
Vers le bas
Vers le haut
Je ne jugerai pas sa pousse
Car ma branche basse offre un pont à la fourmi
Ma branche haute un balcon pour le papillon
Et les fruits qui bientôt viendront
Ne peuvent pas crouler vers le haut
Car voilà la gravité
La plus innocente
Je grandirai dans tous les sens parce que peu importe où je me tourne,
Tu seras là
Au Ciel
Dans la terre
A ma droite
A ma gauche
En dedans
En dehors
Dans la libellule
La rosée
La pierre
Et la montagne qui me regarde


instant d'éternité